Société

Réflexion sur le Discours du Président du Conseil Présidentiel de Transition à l’ONU : Entre Défis Internes et Appel à la Solidarité Internationale

Le 26 septembre 2024, Edgard Leblanc Fils, Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) en Haïti, a pris la parole à la tribune de la 79e session de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette intervention, bien plus qu’une simple allocution diplomatique, fut un cri de détresse mais aussi un appel puissant à la solidarité internationale. À travers un discours à la fois humble et combatif, Leblanc a tracé les contours d’une Haïti résiliente, déterminée à se relever, mais profondément marquée par des décennies d’instabilité. Il a souligné la nécessité d’un engagement mondial pour sauver Haïti des crises qui l’accablent. Cependant, il a également insisté sur une vérité incontournable : cette aide ne sera utile que si elle respecte la souveraineté du peuple haïtien.

Haïti est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Une violence généralisée, une crise sécuritaire alarmante, et une pauvreté structurelle affaiblissent quotidiennement la société haïtienne. Pour Leblanc, la situation actuelle ne peut être résolue sans une réponse collective à la hauteur des enjeux. Il rappelle que le peuple haïtien, malgré la succession de tempêtes, qu’elles soient naturelles ou politiques, reste déterminé à surmonter les épreuves. Ce peuple, qui porte la fierté de la première république noire indépendante au monde, est aujourd’hui en quête d’une nouvelle forme de résilience. Mais cette quête, selon Leblanc, ne pourra se réaliser sans l’appui effectif et sincère de la communauté internationale.

L'appel à la solidarité internationale, au cœur du discours de Leblanc, repose sur une réalité douloureuse : Haïti ne peut, seule, surmonter la crise sécuritaire qui la ronge. Il évoque la montée en puissance des gangs armés et les actes de violences commis quotidiennement dans des zones sensibles, notamment à Port-au-Prince. Cette situation d’insécurité touche de façon dramatique les enfants et les adolescents, que le Président Edgard Leblanc décrit comme des "chair à canon" des gangs. Il va plus loin en qualifiant ces abus de crime contre l'humanité, appelant ainsi à une prise de conscience et à une action urgente de la communauté internationale.

L’intervention du Président Edgard Leblanc Fils, souligne un point crucial : la sécurité est un prérequis pour toute perspective de reconstruction nationale. Il remercie la communauté internationale pour son soutien, en particulier à travers la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MSS), dirigée par le Kenya, tout en proposant de transformer cette mission en une véritable Opération de Maintien de la Paix sous mandat de l'ONU. Ce passage marque une prise de position audacieuse. Si Haïti reconnaît avoir besoin de l'appui international, elle souhaite que cet engagement soit structuré et durable, et qu'il évite les erreurs du passé.

Le Président du Conseil Présidentiel de Transition n’a pas manqué de rappeler les déboires des missions précédentes, notamment la MINUSTAH, dont certaines interventions avaient terni l’image de l’ONU en Haïti. Ce rappel est stratégique. Il montre la volonté d’Haïti d’apprendre des erreurs tout en demandant un soutien extérieur, mais cette fois dans le respect de la souveraineté nationale et des droits humains.

Dans un passage particulièrement percutant, Edgard Leblanc aborde la question de la dette historique imposée à Haïti par la France après son indépendance en 1804. Cette dette, qu’il qualifie de "rançon imposée sous la menace", a, selon lui, asphyxié le potentiel économique d’Haïti dès ses premières années d’existence en tant que nation indépendante. Cette partie du discours, bien que symbolique, a une portée diplomatique majeure. Haïti se joint aux autres nations du Sud global qui réclament des réparations pour les injustices historiques liées au colonialisme. Leblanc ne réclame pas uniquement des excuses, mais une véritable restitution pour compenser ce qui fut pris de force et dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.

Cette revendication de justice historique s'inscrit dans une stratégie plus large portée par des pays caribéens au sein de la CARICOM. En posant cette question sur la scène internationale, Leblanc place Haïti non seulement comme victime, mais aussi comme acteur du débat global sur les réparations et la justice économique.

En dépit de sa demande d’aide internationale, Leblanc insiste sur un point clé : Haïti doit d’abord compter sur ses propres forces pour se relever. La création du Conseil Présidentiel de Transition est, selon lui, une matérialisation de cette volonté nationale de surmonter les divisions internes et de rétablir la stabilité. La feuille de route est claire : restaurer la sécurité, organiser des élections libres et transparentes d’ici la fin de 2025, et restaurer la confiance dans les institutions.

Cependant, ce n’est pas un repli sur soi qu’il prône. Bien au contraire, Leblanc voit dans le multilatéralisme un levier essentiel pour répondre aux défis mondiaux. Le thème de cette 79e session de l’ONU, "Ne laisser personne de côté : agir ensemble pour la paix, le développement durable et la dignité humaine", résonne particulièrement avec la situation d’Haïti. Il rappelle que les crises mondiales : climat, conflits, inégalités économiques, frappent avant tout les pays les plus vulnérables. Haïti, pays peu émetteur de gaz à effet de serre mais lourdement affecté par le changement climatique, en est un exemple concret.

Dans ce sens, le discours de Leblanc devient une réflexion plus large sur l’interdépendance des nations. Aucun pays ne peut prétendre affronter seul les crises mondiales. Haïti, malgré ses difficultés, se présente comme un membre actif et déterminé à participer à l’effort global pour un monde plus équitable.

Le discours du Président du Conseil Présidentiel de Transition est un appel à l’aide, certes, mais un appel digne et structuré. Haïti ne cherche pas la charité, comme le souligne Leblanc, mais la justice, la dignité et la possibilité de participer pleinement à la communauté internationale. Loin d’être un simple plaidoyer pour plus d’aide humanitaire, son intervention est une analyse lucide des défis mondiaux et des responsabilités partagées.

Le Président du Conseil Présidentiel de Transition invite ainsi la communauté internationale à repenser son approche envers Haïti. Le temps des interventions ponctuelles et inefficaces est révolu. Il est désormais question de bâtir une véritable solidarité internationale, une solidarité qui respecte la souveraineté haïtienne tout en s'engageant à long terme pour redonner à ce pays une stabilité politique et économique. Haïti, "cette terre qui a offert au monde un symbole de liberté", mérite aujourd'hui que le monde l'accompagne dans sa quête d’un avenir meilleur.

Dans un monde où les crises sont de plus en plus globales, le destin d’Haïti est, selon Leblanc, lié à celui de l’humanité tout entière. Ce discours, loin d’être un simple rappel des problèmes internes haïtiens, est aussi un avertissement pour la communauté internationale : c’est dans l’union des forces que se construira l’avenir, pas dans l’isolement.

Demain, un autre pays. Demain, un autre monde, conclut-il. Le message est clair : le renouveau d'Haïti pourrait bien être le symbole d’un multilatéralisme réinventé.....

Jhon M.S THELUSMA

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